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Le témoignage d'Éloïse

Sujet tabou dans presque tous les niveaux de la société, le viol et les agressions sexuelles sont pourtant l'horrible traumatisme qu'un trop grand nombre de femmes connaissent dans leur vie.


Aujourd'hui, Éloïse nous livre son histoire pour se dévoiler non seulement à vous mais aussi à elle-même et pouvoir avancer dans son parcours de guérison.


1/ Est-ce la première fois que tu t’exprimes sur tes agressions ?

Ce n’est pas la première fois que je m’exprime sur mes agressions à proprement parlé. Mais c’est la première fois que je la raconte de manière « officielle » pour qu’elle puisse être « relayée », et surtout la première fois que j’en parle à l’écrit.


2/ Si oui, pour quelles raisons n’as-tu pas pu le faire auparavant ?

Je n’ai pas souhaité me rapprocher de ce qu’il m’était arrivé avant, d’où le fait de ne pas vraiment vouloir témoigner officiellement ou en parler directement à des personnes qui utiliserait le témoignage à des fins de sensibilisation ou autre. Je me sentais distancée de mon corps, et ne reliait plus ce qu’il m’arrivait physiquement à ma condition psychologique et psychique.


2,5/ Si non, comment les personnes à qui tu l’as dit ont réagis ? Regrettes-tu de le leur avoir dit ?

Pour répondre à cette question, je ne l’ai raconte que partiellement à mes proches ( ma soeur et ma mère en l’occurrence ), elles ont été témoins de mes états et ont parfois dû faire le lien elles-mêmes avec mes réactions et des évènements qui auraient pu m’arriver. Elles ont toujours été d’un soutien sans faille même lorsque j’avais du mal à en parler, elles ont été tout ce dont j’avais besoin pour survivre et je ne regrette en aucun cas d’avoir partagé ce que j’ai pu partager avec elles.


3/ Connaissais-tu ton / tes agresseur(s) ?

Malheureusement, et bien qu’il soit commun qu’on pense le contraire mes agresseurs sont tous des proches. Un cousin et des petits amis, je n’ai jamais subi d’agression sortant du cadre de ceux à qui j’étais sensé faire confiance.


4/ Peux-tu nous raconter ce qu’il t’est arrivé, dans la limite des détails que tu souhaites donner ?

Lorsque j’étais jeune à 6 ans seulement, je subissais des attouchements de la part d’un de mes cousins. Cet événement a été le déclencheur d’une série de viols, de violences sexuelles que je n’ai plus jamais su distinguer comme étant malveillante.

J’ai subi 5 relations dans lesquelles mes compagnons ont abusé de moi, or, depuis mes 6 ans j’avais « appris » à n’être que ça, un objet de désir sexuel pour la gente masculine. J’ai subi des coups, des viols à répétition ( autant de la pénétration, que du sexe oral ), de la manipulation, des abus moraux etc.

Aujourd’hui, j’ai 23 ans.


5/ Comment as-tu fait pour vivre avec ça ? Est-ce que tu as été suivie par un psychologue ?

Je n’ai pas vraiment vécu avec ça. Comme je l’ai dit précédemment pendant longtemps j’étais détachée de moi-même, je n’avais pas la notion du bien et du mal, j’étais « destinée » à n’être que ce qu’on m’a appris à être, une machine robotisée n’ayant pour but que le plaisir de l’homme. J’ai pourtant tenté plusieurs fois de « vivre » : mutilation, tentative de suicide, drogues. J’essayais à ma manière de me libérer d’un destin que je ne voulais pas et que je n’avais pas choisi.

Il n’y a qu’en 2021, année de ma dernière agression que j’ai eu un déclic, je suis tombée enceinte suite à ce rapport non désiré, j’ai perdu ma fille.

Cette douleur impliquant un autre être que moi a tout retourné dans ma vie, et toutes les souffrances et blessures causées par les agressions que je n’ai pas voulu accepter avant sont toutes revenues à moi dans une tempête que je n’ai pas su contrôler.

Ma sœur ( ma sauveuse.) m’a persuadé de voir une psychologue, je ne voulais pas le faire car chez nous voir un psychologue était tabou : « pour les fous ». Néanmoins j’ai pu en voir une et elle m’a énormément aidée, je n’aurai pas pensé qu’une aide extérieure puisse me faire avancer, mais ça a été le précurseur d’un combat que je poursuis toujours à ce jour.


6/ As-tu déposer plainte ? Si oui, qu’est-ce que ça a donné ? Si non, il y a-t-il une raison particulière, souhaites-tu le faire ?

Je n’ai pas porté plainte. Mon premier agresseur, mon « cousin » avait également agressé une autre personne de ma famille. Cette personne avait néanmoins dénoncé cela et n’a pas été crue ni entendue, toute ma vie je me suis rejouée ce moment. Je n’ai jamais pu en parler avant d’aller mieux, aujourd’hui je n’ai plus de haine, je n’en ai d’ailleurs jamais eu envers mes agresseurs c’est peut-être la raison qui m’a retenue de détruire des vies comme la mienne l’a été.


7/ Aujourd’hui comment te sens-tu vis à vis de ton agression ?

J’ai développé des troubles autistiques, une anxiété chronique, des pathologies ( phobie du contact physique ), je suis constamment en condition d’alerte, de remise en question, de réflexion, de peur, je n’ai aucune confiance en moi, parfois même aujourd’hui j’aimerai disparaître pour tout faciliter.

Néanmoins, je vais mieux. Je ne serai jamais guérie de toutes les séquelles permanentes que tout ça m’a apporté, mais j’avance petit à petit, j’apprends à faire mieux, à faire plus, à me donner le droit d’être bien ou mal, à me donner le droit d’être trop ou pas assez, c’est un combat très difficile à vivre mais je suis merveilleusement bien entourée et bien que tout ça symbolise un poids d’une taille d’Atlas sur mes épaules chaque jour, même si je me dis souvent que je suis anormale, que j’aurai du mourir avant, aujourd’hui je vais mieux.

Aujourd’hui, je pense m’aimer un peu mieux.

Je pense être un peu mieux pour ceux qui m’entourent.


8/ As-tu des conseils à donner aux personnes qui ont vécu la même chose pour qu’elle puisse avancer malgré tout ?

Mon premier conseil est : dites NON.

Que ce soit une personne que vous aimez ou non, vous avez le droit de dire non, vous devez le faire.

Si votre corps décide de ne pas agir sur le moment : ne vous en voulez pas, vous n’êtes JAMAIS coupable.

Et aussi, parlez-en. Pas forcément à la police si vous n’y arrivez pas même si c’est sensé être le premier réflexe, mais parlez-en à quelqu’un de confiance, libérez vous et battez vous.

Nous méritons de vivre, que ce soit dur ou non.


9/ Est-ce qu’il y a une raison particulière pour laquelle tu as voulu livrer ton témoignage ?

Je traverse une période assez difficile depuis le mois dernier, j’ai subi une agression ( verbale uniquement ) et ça m’a déclenché énormément de mauvais réflexes que j’avais avant. J’essaie de gérer les choses différemment, de libérer ma parole, d’accepter, d’aider, de le contrôler cette fois-ci. Cet interview est une occasion pour moi de m’appropriez cette histoire du début à la fin, d’officialiser mes propres sentiments.


Pour aller plus loin

Merci infiniment à toi Éloïse pour l'immense courage dont tu as fait preuve pour nous raconter toutes les horreurs que tu as vécues. J'espère sincèrement que tout ira pour le mieux pour toi dans l'avenir et que tu ne seras plus jamais confrontée à ces horreurs.


Après une agression sexuelle, parler est l'une des choses les plus difficiles à faire. On craint le jugement des autres, de ne pas être écoutée, de ne pas être prise au sérieuse, d'être traité de menteuse, ou dans la plupart des cas, qu'on nous rejette la faute dessus à coup de "oui mais tu as vu ta tenue", "ouais enfin, si au départ tu avais dit oui aussi, il peut pas deviner..." et quand bien même le non serait clairement exprimé, un tribunal en viendra à remettre votre liberté de consentir en question au nom d'un prétendu devoir conjugal.


Quoi qu'il arrive la victime n'est jamais responsable, JAMAIS. Une personne saine d'esprit est parfaitement capable de percevoir un sentiment de gêne chez sa partenaire et donc à s'assurer qu'elle s'apprête bien à faire quelque chose dont elle a envie, et surtout à ne pas forcer dans le cas où elle montre une hésitation ou un refus catégorique.


Sortir du silence

Les années passent et parfois on arrive à remonter la pente et à enfin avoir envie de parler. Ce lourd aveux, il peut être fait à n'importe qui tant que c'est une personne avec qui vous vous sentez bien, l'important est de ne jamais se forcer à parler, et de ne jamais forcer qui que ce soit à le faire. Chaque chose arrive à son rythme, et ne rien dire n'est pas une marque d'absence de confiance plutôt un signe que la gêne est toujours présente ou que vous n'êtes tout simplement pas la personne à qui la victime a envie de se confier, ce n'est pas contre vous et la meilleures chose à faire pour le bien de la victime c'est simplement d'être compatissant et de la laisser parler à qui elle le souhaite ou ne rien dire si c'est son choix.


Poursuivre son agresseur, c'est encore possible ?

Les agressions sexuelles, les viols sont un tel traumatisme que certaines victimes tombent parfois dans un total déni pour se protéger, et c'est un mécanisme inconscient. D'autres ont tellement peur de parler pour diverses raisons (peur de représailles, de ne pas être crues, d'être accablées, d'être abandonnées...) qu'elles sortent du silence des années plus tard (ou bien jamais). Et très souvent il y aura un proche ou même un spécialiste qui posera cette question : "voulez-vous porter plainte ?". J'ai lu beaucoup de témoignages dans lesquels des victimes avouaient ne jamais avoir porter plainte parce que leur agression remontait à trop longtemps. Et vous pouvez retrouver les informations légales sur la prescritpion juste ici :




Cependant il faut garder à l'esprit, qu'indépendamment de la manie de la société à ne pas prendre au sérieux les accusations d'agressions sexuelles, les démarches judiciaires sont très longues et aboutissement rarement à une condamnation en raison du manque de preuves très difficile à avoir pour ce crime. Mais l'absence de procès ne signifie pas que votre agression ne sera pas retenue, elle sera seulement, malheureusement pas poursuivable légalement, mais la plainte restera enregistrée.



J'espère que le témoignage d'Éloïse vous aura aidé y voir plus clair dans votre propre vécu. Si vous souhaitez vous aussi témoigner sur votre agression ou sur tout autre sujet, vous pouvez remplir le formulaire sur la page d'accueil de la rubrique "La maison du coeur" de manière anonyme ou non.

Je vous souhaite à tous beaucoup de courage dans les tourments que vous traversez et prenez bien soin de vous <3


Avec beaucoup d'amour,

Audrey

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