Arnaque en approche : l'édition à compte d'auteur
- Audrey Berche
- 5 déc. 2023
- 7 min de lecture
En cherchant les adresses postales des éditeurs que j'ai sélectionné pour leur envoyer le manuscrit d'LCDLR, je suis tombée sur le site des éditions Persée qui semble tout miser sur son partenariat avec le distributeur Hachette pour se mettre en avant. Pour vous aider à ne pas vous faire avoir, je vous propose cet article pour décrypter ce que sont les entreprises qui se font appeler "maison d'édition" à compte d'auteur.
Faire la différence entre les trois modes d'édition
L'auto-édition
L'auto-édition est un mode de publication où l'auteur est totalement seul dans tout le processus d'édition de son ouvrage. Les coûts pour l'édition sont très variables et dépendent avant-tout du savoir faire de l'auteur. Mais vous pouvez retrouver plus de détails sur l'article dédié à l'auto-édition juste ici :
La maison d'édition à compte d'éditeur
Vous en connaissez plein, et n'importe qui peut en citer. Les plus connues sont notamment Hachette, Gallimard, Flammarion...
La particularité d'une maison d'édition à compte d'éditeur est que l'éditeur prend en charge l'entièreté du processus éditorial, de la correction de votre manuscrit, en passant par la réalisation de la maquette et de la couverture, jusqu'à la distribution et le marketing. Vous êtes relié à l'éditeur par un contrat d'édition qui stipule notamment que l'éditeur devient le propriétaire physique de l'oeuvre (c'est-à-dire de son exploitation) en revanche vous demeurez le propriétaire moral et patrimonial de votre ouvrage (l'éditeur ne peut donc pas apporter de modification à votre texte sans votre consentement).
Cependant, pour ne pas vous faire dépenser une fortune dans le lancement de votre livre, l'éditeur commence par tirer une quantité test d'ouvrage (la quantité que la maison est à peu près certaine de vendre) et tous les acteurs ayant servis à la distribution de votre livre jusqu'aux mains du lecteur, seront rémunérés avec un prélèvement sur le prix de vente. En moyenne, un auteur touche entre 8 et 10 % du prix de vente hors taxes. J'en profite pour dire qu'il est normal qu'un éditeur propose à un primo-romancier un contrat à 5 % quand ceux de Guillaume Musso tournent autour de 10. La maison d'édition doit s'assurer de ne pas vendre à perte.
Bref retenez que dans une maison déclarée à compte d'éditeur, vous ne paierez JAMAIS rien. Si une maison qui se prétend à compte d'éditeur vous demande une contrepartie financière, fuyez et surtout n'hésitez pas à l'épingler dans les avis Google ou sur les réseaux sociaux pour que d'autres ne tombent pas dans le piège.
La "maison d'édition" à compte d'auteur
Voilà la partie qui nous intéresse. Ici le terme de "maison d'édition" est traitre et sert plutôt à séduire les auteurs. Ce qui différencie le compte d'auteur du compte d'éditeur, c'est que l'entreprise à compte d'auteur ne gère que la distribution de votre livre. Pour le reste, c'est à vos frais !
Je tiens à préciser que cet article dénonce les prestataires qui se font réellement de l'argent sur le dos des auteurs. Certains, néanmoins, accompagnent quand même leurs auteurs et proposent une publication à moindre coût, elles ne sont donc pas toutes à bannir. C'est pour cela que vous devez bien éplucher leur site pour trouver toutes les informations possibles et ne jamais signer un contrat avant d'avoir compris l'ensemble des clauses. Cependant je parle ici de l'ensemble des prestations proposées, parce que même celles qui offrent un accompagnement et publient à moindre coût ne mentionnent que dans le devis ou le contrat qu'elles sont à compte d'auteur, ce qui n'est vraiment pas honnête !
Comment ça se passe ?
L'entreprise, comme les Éditions Persée, acceptent votre manuscrit, et vous demandent de payer une somme (s'élevant très souvent à plusieurs milliers d'euros). Cette somme sert à payer l'impression de vos livres, mais pour ce qui est des corrections, de la réalisation de la maquette et de la couverture, et de la publicité, c'est aussi à votre charge et ça n'est pas compris dans la somme que vous verser à votre prestataire. À noter également que vous n'avez aucune assurance que votre livre se vendra et qu'il pourra ainsi rembourser tous l'argent que vous avez dépensé.
De plus, ce qui gêne beaucoup de personnes, dont moi, dans le milieu éditorial, c'est que ces entreprises se définissent comme des maisons d'édition et envoient comme message qu'elles vont vous proposer un contrat d'édition.
Deux choses à savoir :
- Une "maison d'édition" qui ne prend pas en charge tous les frais de création et de production du livre ne sont pas des maisons d'édition mais des prestataires de service.
- Si une entreprise à compte d'auteur vous dit qu'ils vont vous proposer un contrat d'édition, c'est illégal ! La loi (article L. 132-1) n'autorise le contrat d'édition qu'entre auteur et éditeur à la seule et unique condition que l'éditeur prenne tous les frais en charge. Les contrat légaux que peuvent proposer les entreprises à compte d'auteur sont tout simplement des contrats à compte d'auteur, ou des contrats à demi compte d'auteur.
Maintenant, pourquoi les prestataires à compte d'auteur se rapprochent plus d'arnaqueurs que de services éditoriaux ? Et bien la raison est très simple, ils se récupèrent une marge sur la vente de vos livres, et comme vous payez les frais d'impression pour chaque exemplaire, vous aurez de très grandes difficultés à faire des bénéfices voir même, vous aurez tendance à vendre à perte.
Deuxièmement, vous n'avez pas besoin d'un prestataire, parce que vous pouvez distribuer votre livre pour pas très cher, voir complètement gratuitement avec les plateformes d'auto-édition. Le service est le même, la plateforme d'AE distribuera votre livre aussi, mais elle ne vous demandera pas de payer des milliers d'euros, et vos revenus seront bien meilleurs !
Mais alors pourquoi certaines entreprises s'en sortent si bien ?
Premièrement parce que ce qu'elles font est légal, à partir du moment où tout le processus est détaillé (explicitement comme implicitement) dans le contrat, c'est légal (donc si votre prestataire fait quelque chose qui n'est pas stipulé dans le contrat vous pouvez sans aucun problème vous retourner contre lui).
Deuxièmement, ces prestataires jouent sur des promesses de publication et avec le désir des auteurs à se faire publier. Beaucoup préfèrent être édité avec une maison d'édition, mais quand on essuie les refus, on perd un peu espoir et on finit par accepter le premier venu, ainsi que les conditions farfelues qu'il impose.
À titre d'exemple, quand j'avais 15 ans, j'ai envoyé la moitié d'un manuscrit à une maison, qui n'avait pas précisé être à compte d'auteur, pour voir si mon histoire était digne d'être éditée (ne faites jamais ça !). J'ai reçu une proposition de contrat le jour même, alors que mon manuscrit était incomplet, pas corriger et que le fond était médiocre. Aucun éditeur professionnel n'accepterait ça, mais eux oui, parce que comme c'était au frais de l'auteur et qu'ils se récupéraient une marge, quoiqu'il arrive ils se seraient fait de l'argent. Heureusement, ils ont été placés en liquidation judiciaire et ma mère (experte en contrat de droits d'auteur) avait refusé de signer le contrat en mon nom.
Sachez que l'auto-édition n'a pas moins de valeur qu'être édité en maison d'édition, n'ayez pas peur de franchir le pas.
Avant de vous donner la liste des prestataires à compte d'auteur, je tiens à vous rappeler que, que ce soit avec un véritable éditeur ou avec ces prestataires, vous devez lire très attentivement un contrat (valable dans n'importe quel domaine). Parce que dès l'instant que vous signez ce contrat, vous faites savoir à la juridiction que vous acceptez l'intégralité des termes définis par le contrat sans la moindre exception.
Sachez également qu'en cas de coup tordu ou de désaccord, vous devez comprendre votre contrat pour vous protéger. En France, est autorisé UNIQUEMENT ce qui est clairement définit par le contrat. Si l'une des partie veut faire quelque chose qui n'est pas stipuler dans le contrat, elle doit faire signer un avenant à l'autre partie, dans le cas contraire c'est illégal et vous pouvez vous retourner contre lui. Par exemple, votre contrat ne comporte aucune clause sur une traduction en anglais, si l'éditeur veut réaliser une édition en anglais, il doit vous faire signer un avenant, et si vous refusez, il a l'interdiction formelle de le faire.
Au contraire, le droit anglo-saxon considère que tout ce qui n'est pas interdit par un contrat est autorisé, faites attention si vous signez un contrat à l'étranger.
Mon expérience avec ces fausses ME
En envoyant le manuscrit de Nos éclats de mémoire à des ME, je suis tombée sur une "maison d'édition" : Les 3 colonnes. Ne la connaissant pas, j'ai fait des recherches et j'ai découvert que c'était une maison dite participative où ils prennent en charge la la correction, l'édition et la distribution du livre. Je leur ai donc envoyé mon manuscrit pour voir un peu ce qu'il y aurait dans le contrat et bingo ! Ils prennent tout en charge mais me demandent quand même 2200€.
Pourquoi ? Parce que ce genre de prestataire, comme le compte d'auteur, ne veut prendre aucun risque et donc en demandant une telle somme à l'auteur, ils sont sûr de se faire de l'argent. Et la majorité de la vente se fera par impression à la demande alors qu'une vraie ME, démarchera les librairies pour qu'elles passent commande. Ainsi, si votre livre ne se vend pas, ils sont assurés de se faire de l'argent sur votre dos.
Liste des maisons à compte d'auteur (non complète)
Cette liste ne fait pas la distinction entre les arnaques et les services qui sont presque moraux, parce que certaines informations sont accessible que dans les contrats.
- Éditions Persée
- L'Harmatant, ne vous verse vos droits qu'à partir de 500 exemplaires vendus (ce qui est assez rare)
- Éditions Vérone
- Éditions Baudelaire, distribue notamment avec Hachette
- La société des écrivains, offre également des participation à des salons
- Éditions les 3 colonnes
Et bien d'autres dont je n'ai pas trouvé beaucoup d'information.
Le fait que ce soit une ME à compte d'éditeur et d'auteur sera toujours indiqué dans le contrat (dans le cas contraire, c'est frauduleux). Prenez le temps de bien le lire, contacter un juriste spécialisé en droit des contrats si vous avez la moindre question, ne signez jamais si vous n'êtes pas sûr.
Prenez le temps de bien discuter avec le service éditorial, méfiez-vous s'il répond trop vite, méfiez-vous s'il répond trop lentement. Fuyez s'il vous met une pression pour signer le contrat. Et enfin ne signez jamais rien qui pourrait vous faire perdre de l'argent, et qui ne corresponde pas à vos valeurs.
Je tiens réellement à souligner que si les maisons à compte d'éditeur vous refusent, il est mille fois plus intéressant de se tourner vers l'auto-édition, ça s'apprend facilement et il existe tout plein d'article et vidéos pour vous y aider. Je ne manquerai pas de vous donner toutes les astuces que je connais !
Vous pouvez retrouver ici tout un dossier d'aide du syndicat national des auteurs et compositeurs sur le contrat d'édition :
N'hésitez pas à contacter un avocat spécialisé en droit d'auteur si vous avez besoin de plus d'informations. En général ils maîtrisent le droit d'auteur et le droit des contrats.
Merci à vous d'avoir lu cet article, j'espère qu'il aura pu vous aider à y voir plus clair.











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